Commémoration, groupe Manouchian. Résistance.

(oui même pas encore commencé, il y a déjà une digression)

Mais nous sommes le dimanche 24 février, le dimanche qui suit le 21 (ma logique est jusque là imparable).
Nous sommes en un jour de commémoration. Eh ouais.
Le 21 février 1944 furent fusillés 22 résistants à Paris. Ils faisaient partie de ce qu'on appelle les FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d'œuvre immigré ).

Même si il y avait des étrangers dans toutes les formes de résistance, les FTP-MOI étaient une formation spécifiquement composée d'étrangers. Ils étaient encadrés par le Parti communiste, et sont d'ailleurs pour la plupart communistes. Parmi les différentes nationalités, on trouve des italiens, espagnols, hongrois, polonais, russes ... pour la plupart d'origines juives.

Ces FTP-MOI, sont assez connus, par le groupe Manouchkian et par l'affiche rouge du procès.

Qui sont ils?

Spartaco Fontano, Missak Manouchian, Roger Rouxel, Amedeo Usseglio Polatera, Robert Witchitz, Georges-Ferdinand Cloarec, Rino Prima Della Negra, Cesare Lucarini, Antonio Salvadori, Celestino Alfonso, Joseph Wolf Boczor, Emeric Glasz, Marcel Rajman, Tamas Elek, Moska Fingercwaig, Jonas Geduldig Martiniuk, Wolf Wajsbrot, Lajb (Léon) Goldberg, Arben Abramovitch Dav'Tian, Wolf Salomon Szapiro, Szlama Grizwacz, Stalinas Kubacki, Olga Bancic

Plus tous les autres ailleurs. 

Le groupe Manouchian, était un des trois groupes actifs sur Paris, et est créé au printemps 1942. Formés de vieux loups militants, mais aussi de petits jeunots d'une vingtaine d'année. Ils sont en tout une soixantaine, luttant contre l'occupation nazie.
Missak Manouchian prend la tête du mouvement en 1943, succédant à Boris Holban. Manouchian est arménien, et bien évidemment fort engagé politiquement.
Leurs actions? Simplement tout acte de résistance, comprenant sabotages et autres. Mais le groupe Manouchian était l'un des rares à effectuer l'action directe, c'est à dire en tuant, que ce soit à coup de bombes ou de balles dans la tête des allemands.
Ce sont eux qui tuent le SS Julius Ritter, ce qui induit que les allemands ont cessé de se prendre pour des surhommes invincibles.

23 membres furent donc arrêtés en novembre 1943, torturés, et jugés le 19 février 1944. 
22 sont exécutés deux jours plus tard, la 23e, Olga Bancic, dite "Pierrette" déportée en Allemagne et décapitée à la hache le 10 mai 1944, jour de son 32e anniversaire ...

Le procès à leur égard par les allemands, était juste une manière de les discréditer aux yeux des français. Placardant cette terrible affiche rouge, où 10 des 23 membres sont présentés tels des terroristes.

Je ne m'étalerai pas plus, faute de temps, ce n'est qu'un bref résumé qui j'espère, si vous ne connaissez pas cette Histoire vous donnera envie de creuser plus loin.
Mais pensez y.
Pensez à ces gens qui se sont battus en leur temps, à ceux qui se battent encore maintenant, et soyez leur reconnaissant.

Dernière Lettre de Missak Manouchian :

"Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel. P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M."

Je vous conseille aussi le film "L'armée du crime" de Robert Guédigan, retraçant cette fameux groupe de Manouchian.
Et aussi, allez donc relire le poème d'Aragon, ou écoutez l'adaptation qu'en a fait Léo Ferré.

Bon allez, jvous file le poème:

L'affiche rouge

Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant